Réglementation

Marchés Publics : Attention le motif de rejet de candidature peut être changé par l’administration après notification

Dans un récent arrêt, le Conseil d’État a autorisé un acheteur public, lors d’un référé précontractuel, à donner un motif de rejet de candidature différent de celui notifié dans la lettre d’information envoyée à la société évincée du marché.

Pour rappel :
Pour éliminer un candidat à un marché, l’administration doit étudier les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat.
Mais il lui est interdit d’éliminer une entreprise simplement car celle-ci n’a pas de références pour un marché semblable (Art. 52-I al 4 du Code des marchés publics).

Dans les faits :
Une ville a rejeté la candidature d’une entreprise qui n’avait pas de références de contrats comparables à celui du marché en cause.
La société évincée a obtenu l’annulation de cette procédure en référé précontractuel. Pour le tribunal administratif, un tel motif ne pouvait justifier le rejet de la candidature.
La commune porte alors l’affaire devant le Conseil d’État qui confirme la décision de l’administration.
Pourquoi ? Car la ville a invoqué un nouveau motif de rejet de la candidature : l’insuffisance des capacités de la société au regard de l’objet du marché.
Pour le Conseil d’État, le juge du tribunal administratif aurait dû vérifier que la commune avait étudié les capacités de la société avant son élimination.
Selon lui, elle l’a bien fait mais a fini par juger  l’entreprise insuffisante « au regard de [son] objet social, de ses moyens humains et matériels, des qualifications attestées et de son expérience antérieure », la société « ne démontrait pas de compétences de maîtrise de l’eau des bassins et des fontaines objet du marché ».
Pour le Conseil d’État ce motif d’insuffisance de capacité justifie le rejet de la candidature – et ce, même si ce motif n’a pas été mentionné dans la lettre envoyée à la candidate.

En conclusion :
Voici donc un arrêt de plus dans la lignée de jurisprudence du Conseil d’Etat concernant  la substitution de motifs, qui comprend déjà :
CE, 6 février 2004, n°240560 : permet à l’administration de faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir d‘un motif, d’un droit ou d’un fait, autre que celui initialement indiqué dans la décision.
CE, 24 juin 2011, n°347840 : le Conseil d’État admet que l’acheteur change les motifs de rejet des offres dans la lettre d’information envoyée aux candidats évincés.
Deux conditions doivent être réunies pour remplacer le motif : l’administration aurait pris la même décision s’il elle s’était initialement fondée sur le motif substitué ; ce dernier ne doit pas priver le requérant d’une garantie procédurale.