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La procédure concurrentielle avec négociation

Dans quel cadre l’acheteur public peut-il faire une procédure concurrentielle avec négociation (PCN) ?

D’abord, et par définition, avant ce petit changement datant du 23 juillet 2015 (mais le décret est passé un an après, le 25 mars 2016), il n’y avait pas officiellement de négociation lors de l’attribution d’un marché public. L’Etat – ou l’acheteur public – proposait, et les candidats s’alignaient. Cependant, tous les marchés n’étant pas aussi simples à définir, dans certains cas (on va les voir), une négociation s’avère nécessaire. Des critères parmi les documents de consultation – ce qu’on appelle les exigences minimales – nécessitent des changements car ils ne sont pas aisément quantifiables au départ.

Un marché avec des inconnues

Cela dit, l’acheteur n’est pas obligé de passer par une telle procédure. Dans les documents de consultation, ce choix doit être clairement stipulé : négo ou pas négo. Dans le cas qui nous intéresse – négo – il faut savoir qu’elle ne peut pas porter sur les éléments constitutifs du marché, qui eux ne bougent pas – les exigences minimales, le prix par exemple –, mais sur des éléments secondaires, on pense au délai. Car fixer un délai théorique sur un marché complexe peut s’avérer délicat. En acceptant de jouer sur certains éléments, naturellement définis à l’avance, l’acheteur s’offre une souplesse qui peut lui permettre de cibler le meilleur opérateur économique, celui qui remportera le marché.

Le 6 mars 2018, le site des marchés publics a défini les conditions dans lesquelles les différentes sortes de procédures concurrentielles pouvaient avoir lieu. Car il y a plusieurs cas de procédures, pas une seule, ce serait trop simple. Cette procédure est encadrée par le « pouvoir adjudicateur ».

Au fait, le pouvoir adjudicateur, c’est quoi ? Eh bien ça peut être « l’État, les autorités régionales ou locales, les organismes de droit public ou les associations formées par une ou plusieurs de ces autorités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public », bref tout ce qui est de l’ordre du pouvoir étatique, tout ce qui incarne l’autorité centrale. Ce pouvoir adjudicateur obéit au code des marchés publics, qui définit les relations entre l’acheteur et les candidats, entre la demande et l’offre. C’est ce même pouvoir qui définit les « documents de consultation », c’est-à-dire toutes les infos et pièces dont l’opérateur économique (le soumissionnaire) a besoin pour proposer une candidature cohérente.

Entrons maintenant dans le vif du sujet. D’abord, tous les acteurs économiques ne sont pas autorisés à participer aux négociations, car il y a une négociation avec chaque candidat retenu. Voyons comment se déroule cette procédure. Le pouvoir adjudicateur (PA) définit un marché à travers les « documents de marché », c’est-à-dire la description la plus précise possible de ses besoins. Les soumissionnaires qui doivent évidemment respecter ces exigences minimales, envoient leur demande de participation. Une fois que les dossiers sont prêts, le PA envoie une invitation aux demandeurs qui correspondent le mieux à ses besoins. Les demandeurs retenus font alors une première offre, ou offre initiale, envoyée après un délai minimal de 30 jours, et c’est sur cette base que les négociations vont avoir lieu. Notons que le PA peut décider de limiter le nombre de candidats à la procédure concurrentielle avec négociation (PCN, on le rappelle).

La PCN ou l’amélioration des offres

Les négociations permettent d’améliorer les offres initiales des soumissionnaires, qui deviennent alors des offres… ultérieures. Cependant, si l’offre initiale d’un demandeur est jugée suffisante, le PA n’est pas obligé de passer par la négociation et il peut clore la procédure. Mais il faut avoir au préalable indiqué cette possibilité dans « l’avis de marché ». A tous les étages, on constate que la loi prévoit une grande liberté d’action pour les pouvoirs publics.

Lorsqu’il y a négociation effective, le PA n’ayant pas le droit de changer ses exigences minimales, la négo conduit à certains changements sur d’autres critères, changements qui sont intégrés par les soumissionnaires qui ont alors le droit de modifier leur offre. Le PA leur laisse suffisamment de temps pour affiner leur dossier. On obtient alors une offre ultérieure plus précisément conforme aux besoins du PA, qu’il n’avait pas pu déterminer au départ : c’est grâce aux échanges avec les opérateurs économiques qu’il affine sa demande. Naturellement, les soumissionnaires, malgré la procédure concurrentielle, sont sur un pied d’égalité : toute discrimination en terme d’information est interdite.

Les conditions de la négociation

Cependant, chaque négociation avec chaque soumissionnaire qualifié (comme en Coupe du monde) est secrète, et les autres soumissionnaires ne savent rien de l’avancée des négociations du PA avec ses concurrents. Le PA avance avec chacun de manière différente, pour arriver à la meilleure offre ultérieure. Au bout du compte, le PA ne fait pas traîner les choses, et les finalistes doivent proposer à une date limite – après les négociations et leur conclusion – une offre définitive. Celle-ci doit évidemment respecter les exigences minimales, soit les critères de base du marché. La procédure de négociation porte donc sur une partie seulement des critères qui forment le cahier de charges.

C’est l’Union européenne qui fixe les règles – on le voit (plus bas) avec les seuils financiers – de la PCN. C’est une façon d’encourager les échanges transnationaux, en clair la concurrence à l’échelle européenne. Dans une directive de 2014, l’UE explique que la PCN se développe parce que les marchés sont de plus en plus complexes. Du coup, les PA n’ont pas toujours les moyens de fixer clairement les critères de base de leur demande, critères qui se retrouvent dans les « documents de consultation ». C’est en collaboration avec les opérateurs économiques choisis et de manière dynamique que le dossier se précise. Il s’agit donc d’un ping-pong informationnel que l’on retrouve dans les marchés innovants, les marchés de grands réseaux informatiques ou les ceux qui exigent un montage juridique ou financier difficile. L’autorité européenne préconise d’ailleurs la désignation d’un « chef de projet » pour piloter ces échanges entre le PA et les opérateurs économiques. C’est pourquoi la PCN s’appelle aussi « dialogue compétitif ».

Résumé

L’acheteur public peut faire une PCN quand le marché en question est complexe, que les offres ne sont pas très adaptées au cahier des charges, que la solution est innovante, ou qu’on ne peut fixer à l’avance des spécifications techniques… Le tout quand la valeur du marché dépasse les niveaux fixés par l’Union européenne, comme cité dans l’article du 24 février 2017, toujours dans le cas où il n’y a pas de solution immédiatement disponible répondant au besoin».

Il existe un cas où la procédure négociée ne nécessite pas de mise en concurrence préalable, c’est quand l’acheteur public peut choisir son opérateur économique, ou quand la concurrence est trop limitée. Le cas a été traité dans le lien précédent.

Pour ceux qui veulent aller plus loin, tout figure dans le PDF gouvernemental.

L’exception pointue

Il y a un cas où la PCN nécessite des prestations de conception ou d’adaptation. On se retrouve alors en amont du marché de travaux : le PA « lance un marché public d’études afin de déterminer la solution la mieux à même de répondre à son besoin puis, compte tenu de ses résultats, un marché public de travaux, le premier peut être passé selon la procédure concurrentielle avec négociation du seul fait qu’il comporte des prestations de conception », précise le ministère des Finances sur le site de l’assemblée Nationale.