Réglementation

Objectif du code de la commande publique : harmoniser

Le code de la commande publique (CCP) est l’ensemble des règles que les maîtres d’ouvrages (ou pouvoirs adjudicateurs) doivent respecter pour passer leurs marchés publics. Le CCP détaille quels sont les organismes concernés, quels sont les contrats qui s’imposent plus toutes les précisions techniques sur la passation de la commande en question.

Avec le temps, l’évolution technologique (développement durable) et politique (alignement européen) – plus les cas de jurisprudence – ont fait bouger ce cadre juridique qui a dû s’adapter à de nouvelles réalités. Le nouveau CCP, qui s’est ébroué par rapport à l’ancien, fixe l’essentiel des évolutions récentes.

Il est entré en vigueur le 1er avril 2019 sous l’impulsion de la Direction des affaires juridiques (DAJ). Nous en avons parlé alors qu’il était en cours de construction. Il condense en les simplifiant les principaux textes de loi relatifs à cette activité. Il facilite par exemple pour les PME l’accès aux marchés publics et il soutient l’innovation, notamment sur la problématique environnementale. Le gouvernement a mis à la disposition des entreprises concernées des fiches techniques et des formulaires plus accessibles qu’avant, où il fallait faire son marché dans la jungle administrative.

Quelles sont les « nouveautés » du CCP ?

D’abord, savoir que cette réforme n’est pas la première (ni la dernière) : l’idée originelle date de… 1996 avec une première proposition de cure administrative (moins d’articles et plus de souplesse dans les seuils d’application des procédures). Mais comme en France la règle est la règle, ce premier essai de simplification a été étouffé sous des règles supplémentaires !

En 2015, la première réforme concrète de la commande publique a eu pour but d’aligner la France sur les normes européennes, par exemple avec les partenariats public-privé. En 2016, la consultation organisée par la DAJ a mené au résultat que nous allons voir. C’est donc un travail de trois ans qui est parachevé le 1er avril. Le Moniteur rapporte que la commission (supérieure de codification) a dû pour cela « rassembler une trentaine de textes épars dans un même corpus juridique, totalisant 1747 articles ! »
Outre le rassemblement des textes éparpillés, le législateur a donné à des cas de jurisprudence force de loi. L’ensemble est donc plus cohérent, plus clair, plus pragmatique.

Voyons maintenant point par point les principales corrections et avancées par rapport à 2015. Pour cela nous nous sommes basés sur le site gouvernemental du droit des marchés publics.

  • Possibilité pour les acheteurs, dans le cas d’achats innovants de moins de 100 000 euros, de passer un marché négocié (voir l’article sur les marchés négociés).
  • Données essentielles dans les documents de consultation, ce que dit le CCP : « L’acheteur ou l’opérateur économique rend accessible à l’autre partie intéressée les modalités d’utilisation des moyens de communication électronique, y compris le chiffrement et l’horodatage. »
  • Application du principe « dites-le nous une fois » : le titulaire d’un marché n’aura plus à fournir tous les documents imaginables, seulement ceux qui figurent sur cette liste officielle.
  • Obligation de recourir au concours étendue à tous les acheteurs soumis à la loi MOP (maîtrise d’ouvrage publique) pour la passation de leurs marchés publics de maîtrise d’œuvre.
    Désormais la liste est élargie à « l’Etat et ses établissements publics ; les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d’aménagement de ville nouvelle, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes ; les organismes privés (de la sécurité sociale), ainsi que leurs unions ou fédérations ; les organismes publics et privés d’HLM, ainsi que les sociétés d’économie mixte, pour les logements à usage locatifs aidés par l’Etat et réalisés par ces organismes et sociétés ».
  • Dans le même registre, pour des marchés de moins de 25K€, les acheteurs pour les marchés publics de défense & sécurité ne sont pas soumis aux obligations relatives à l’open data (accès libre, direct et complet aux données essentielles).
  • Ouverture des données publiées par les autorités sur leur « profil d’acheteur ». Ces données essentielles doivent répondre aux 10 principes de l’ouverture : « complètes, primaires, à jour, accessibles, électroniquement lisibles par une machine, accessibles sans discrimination, disponibles sous des formats ouverts, disponibles sous licences ouvertes, accessibles de façon pérenne en ligne, sans coût d’utilisation ».

 

données essentielles Marchés Publics

 

  • Dématérialisation obligatoire (sur une plateforme en ligne) pour tous les marchés publics supérieurs à 25K€. Chaque acheteur doit s’équiper d’un profil (d’acheteur) et publier sur la plateforme les documents de la consultation. Nous avons déjà détaillé cette évolution majeure.
  • Idem pour le DUME (document unique de marché européen) à transmettre par voie électronique pour tous les marchés.
  • Le ministère de l’Economie et des finances a prévu un espace pour la commande publique numérique sur son portail.
  • Dernier point, le guichet unique d’achat qui facilite les relations public-privé. Il permet aux entreprises de trouver plus vite l’acheteur public qui travaille sur son secteur d’activité. La méthode est simple : l’entreprise qui veut accéder à un marché public remplit un formulaire et dans les 15 jours, le guichet unique doit la mettre en relation avec un acheteur. Avant, c’était à l’entreprise de chercher et de trouver le marché qui lui correspondait. Aujourd’hui, une partie de ce travail est fait par l’administration.
    Cela ne remplace évidemment pas un logiciel précis d’appels d’offres adaptés !

N’oublions pas le cas des délais de paiement. Les représentants des architectes avaient insisté sur ce point. L’Etat s’engage à les réduire à 20 jours, passé ce délai des intérêts de retard seront versés. Il y a même un simulateur qui permet de les calculer ! Reste à savoir dans quelle mesure l’Etat s’appliquera à lui-même – c’est-à-dire aux acheteurs publics – des pénalités…

L’esprit du nouveau code

Il ressort de toutes ces améliorations que l’administration, avec le millefeuille de lois qui l’alourdit et la ralentit, fait un pas vers l’entreprise, dans un effort de simplification et de souplesse. C’est dans la droite ligne de la volonté des acteurs étatiques de pacifier les rapports avec le privé – qui ont toujours été quelque peu conflictuels en France – mais aussi de se plier aux lois européennes.

Si l’on veut savoir de quoi demain sera fait en matière de commande publique, il faut se tourner vers l’Union européenne : l’évolution à laquelle on assiste avec le « nouveau » CCP est déjà en germe depuis 2004 dans les textes européens. On voit que la transcription des directives supranationales n’est pas aussi rapide. La loi française résiste à sa façon à son engloutissement dans un ensemble plus grand.

Application concrète, le site dédié, dans son avant-dernier chapitre, explique que « les seuils des marchés et contrats publics sont relevés tous les deux ans par la Commission européenne, puis appliqués en droit français ».

Nous ne reviendrons pas sur la généralisation de la facturation électronique, dont nous avons déjà publié le calendrier et les modalités. Pour ceux qui se posent des questions plus fouillées, le gouvernement a prévu une foire aux questions sur son portail.

En voici toutefois un rappel en vidéo :

 

Résumé

Entrent dans le nouveau code de la commande publique des dispositions relatives à la loi MOP, aux délais de paiement, à la facturation électronique. Plus les cas de jurisprudence sur l’offre anormalement basse ou la résiliation des contrats administratifs pour faute grave. Mais ce code, si attendu après tant de séances de travail, n’est pas fixé dans le marbre : il peut et va encore évoluer.

Pour les plus courageux, ci-joint une conférence sur la réforme de la commande publique datant d’il y a trois ans exactement (15 avril 2016), lorsque le jeune Emmanuel Macron était encore ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique. Le futur président avait déjà de la suite dans les idées…