L’économique circulaire, c’est quoi papa ?
– C’est quand tu finis ta soupe
L’économie circulaire ? C’est fabriquer le moins de déchets possibles que tu balances dans la nature après usage, mon enfant.
L’économie circulaire est à la mode. Chaque année ou presque depuis la révolution verte ou écologique des années 80, un nouveau concept fleurit dont l’économie s’empare pour se parer de toutes les vertus. La civilisation du pétrole – et donc du plastique et du gaz d’échappement – est salissante, polluante, pénible pour les pouvoirs publics. D’un côté on a besoin des usines et de leurs emplois, de l’autre il faut gérer les déchets et leurs dommages collatéraux : la santé des gens. Entre les deux, les gouvernements ont jusqu’à présent choisi le critère économique.
Aujourd’hui, de plus en plus, les lanceurs d’alerte écologique nous préviennent : la Terre, notre Terre commune, ne pourra supporter indéfiniment la ponction que la croissance économique et démographique mondiale lui impose. Il va falloir réfléchir à neutraliser, sinon recycler les déchets de ce progrès à double tranchant. À quoi ça sert de vivre mieux si c’est pour vivre moins bien au final ? On sent confusément qu’on est au moment de la bascule. Alors les pouvoirs publics réagissent (car l’industrie pense d’abord à produire, elle), histoire d’éviter d’entrer dans le cercle infernal de la privatisation des bénéfices et de la socialisation des pertes.
L’Union européenne a récemment (le 18 décembre 2017) pondu une nouvelle réglementation relative à la gestion des déchets, avec des objectifs chiffrés : il faudra désormais recycler au moins 65% d’entre eux à l’horizon 2035. La date a été reculée de 5 ans – ce qui a fait hurler les associations de défense de l’environnement –, probablement sous la poussée des industriels «intéressés», sinon menacés. Par exemple, plus de la moitié des emballages devront être réinjectés dans l’économie à cette date. Déjà, les consommateurs ont pu apercevoir des emballages 100% recyclables dans les rayons des supermarchés. Et cela devient un argument de vente… positif. La proportion devrait augmenter et le {geste} écologique – choisir un produit à l’emballage recyclable plutôt qu’un autre – est vivement encouragé.
Mais ceci concerne les ménages plutôt que les entreprises. Côté industriel, la masse à recycler est beaucoup plus importante (la pollution des particuliers atteint à peine 5% de la pollution industrielle). Si les ménages sont déjà sensibilisés au tri (poubelle verte/jaune et bouteilles), du côté des entreprises, la chose est plus ardue : on ne se débarrasse pas comme ça de fûts de déchets toxiques. Et tout processus de recyclage coûte cher. De plus en plus, l’entreprise est incitée par les pouvoirs publics à s’occuper de ses propres déchets.
Oublions la solution de la mafia italienne, qui enterre un peu partout les déchets dangereux pour le compte d’une poignée d’industriels peu scrupuleux, un marché paraît-il très rentable. Le taux d’enfouissement devrait là aussi baisser sous la pression des autorités européennes. Notons que l’enfouissement concerne la terre mais aussi la mer : la question des déchets plastiques (et chimiques, moins visibles) reste posée.
On l’a compris, l’ancien cycle qui séparait la production industrielle de ses déchets doit laisser la place à un nouveau cycle plus intégré, et circulaire si possible, c’est-à-dire incluant la réutilisation : tout ce qui pourra être réinjecté dans l’économie «propre» devra l’être. L’environnement ne peut pas absorber ad vitam aeternam les déchets de la production mondiale. Déjà, en Chine des villages entiers décortiquent les vieux ordinateurs de l’Occident. On y brûle les cartes mères et autres composants informatiques afin d’en extraire les métaux ferreux et non ferreux réutilisables, et parfois précieux. Mais l’opération est dangereuse pour la santé car le processus est riche en émanations de gaz toxiques. Une nouvelle industrie doit donc naître derrière l’industrie première, pourrait-on dire : une industrie seconde, celle du tri, du nettoyage, du recyclage. C’est ce qu’on appelle l’économie verte ou le développement durable. Cette industrie seconde sera par nature moins polluante, plus respectueuse de l’environnement et donc, de l’humain. Le concept de déchet évolue. Les Terriens ne peuvent plus jeter aveuglément ce qu’ils ont «consommé».
Déjà, la Norvège achète et réutilise plus de 60% des déchets envoyés par l’Italie. Il y aura donc les bons et les mauvais pays, les sales et les propres, les vertueux et les autres… Mais n’oublions pas que le développement d’un pays passe par l’industrie lourde, forcément polluante (fer, charbon, acier, ciment, CO2). Tous les pays ne naissent donc pas libres et égaux en droits… et devoirs.
Illustration :
Par DamarisBasileJudith — Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
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